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Rencontre avec un artiste: Florent Farges

Dans ses portraits, Sennelier met à l’honneur ses artistes coup de cœur. Des artistes du monde entier aux univers singuliers. Pour poursuivre cette série, découvrez le portrait Florent Farges, artiste français spécialisé dans la peinture à l’huile.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours artistique?

Mon parcours n’a pas été linéaire, loin de là ! Mon travail actuel est l’aboutissement d’expériences multiples, c’est une rencontre formelle entre l’art et la philosophie, notamment avec le mouvement existentialiste qui a beaucoup influencé mon travail. Principalement autodidacte, je suis arrivé aux beaux-arts sur le tard, après avoir beaucoup hésité durant mes études entre l’art et la philosophie. Ne rentrant dans aucun moule, c’est cette deuxième option que j’ai choisie : J’ai mis l’art de côté pour faire des études de philosophie. La lecture de penseurs comme Kierkegaard, Nietzsche, Heidegger, Jonas ou encore Lévinas a profondément marqué ma pensée. Cette influence existentialiste se retrouve aujourd’hui dans mes peintures, à travers les thèmes que j’aime explorer : l’absurde, l’angoisse, la mort, le bien et le mal, la responsabilité, l'altérité, la présence, le visage. Durant toutes ces années d’étude, la philosophie, aussi clairement articulée soit-elle, m’a toujours semblé manquer de quelque chose. Une forme de puissance lui échappait sans cesse : cette puissance poétique et créatrice que je retrouvais dans le Caravage. Tout était trop verbal, il manquait de la matière. Il manquait aux penseurs cette puissance évocatrice des maîtres italiens, capables de parler avec des formes. C’est alors que l’évidence du dessin et de la peinture s’est à nouveau imposée à moi : il fallait donner une forme aux idées. J’ai dû apprendre à peindre tout seul, sur le tard. En parallèle, j’ai commencé à partager mon travail sur internet, et notamment à travers des vidéos sur YouTube qui ont contribué à me faire connaître. C’est de là que tout est parti.

 Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans la peinture à l’huile ? 

La peinture à l’huile est ma technique favorite, de loin, à tel point que j'en arrive à être plus efficace avec un pinceau qu’avec un crayon et une gomme. Bien que mes compositions soient complexes et demandent beaucoup de réflexion, je saute de plus en plus souvent les étapes préparatoires pour commencer à ébaucher le dessin directement sur la toile avec la brosse. Je laisse la peinture me dire quoi faire… c’est l’un des atouts majeurs de l’huile : sa grande versatilité et sa spontanéité. Parfois, l’inspiration vient d’un coup de pinceau aléatoire, un geste en entraîne un autre, une touche en appelle une autre et le tableau se construit instinctivement. C’est une sensation que l’on ne peut avoir qu’en osant se lancer sur la toile, un pinceau à la main. L’huile permet de se lancer à l’aveugle et de transformer le chaos en inspiration. Bien sûr, tout ne marche pas forcément du premier coup et je suis amené à faire de nombreux repentirs en travaillant de la sorte. Qu’à cela ne tienne, c’est le prix à payer et, fort heureusement, la peinture à l’huile se prête très bien aux retouches. 

Selon vous, quel est le matériel le plus important pour un artiste et pourquoi?

Le plus important pour un peintre est d’avoir une peinture de qualité, de la bonne consistance et de la bonne opacité. Chaque touche est unique et réagit à la pression du pinceau, unique à chaque fois. Je peins beaucoup de manière indirecte, frais sur sec et mon travail repose en grande partie sur l’alternance entre passages opaques et passages transparents, entre empâtements et glacis. Bien sûr, il faut maîtriser les médiums pour associer pâtes épaisses et glacis mais c’est avant tout la qualité de la peinture qui indique quel pigment se prêtera mieux à un voile transparent ou à une couche opaque. On ne peut pas forcer la peinture à faire ce qui est contre sa nature, il faut connaître ses pigments et avoir confiance dans ses qualités.

Avez-vous une couleur préférée ? Du matériel préféré ? 

Le turquoise de cobalt clair (PG50) est le tube dont je ne passe jamais. C’est non seulement une couleur très utile pour les tons froids mais c’est aussi un remarquable cyan opaque et particulièrement clair. Je le compare à un jaune de cadmium, en terme d’utilité, mais de l’autre côté de la roue des couleurs.Il y a un certain flottement dans notre lexique sur cette nuance, à mi-chemin entre le vert et le bleu, pour moi il ne s’agit ni d’un bleu ni d’un vert mais bien d’un cyan. Ce n’est pas un bleu clair, de la même manière qu’un orange n’est ni un rouge clair ni un jaune foncé, c’est une nuance à part entière. Quoi qu’il en soit, ce turquoise clair est incroyablement utile, entre le bleu et le vert. Non seulement, ce pigment me permet de compléter la roue des couleurs avec un cyan de qualité, mais il me permet aussi d’apporter des nuances incroyables dans les tons de chair car il s’agit d’un complément quasi-parfait du rouge. Pour résumer, si les teintes de peau virent trop au rouge, une petite touche de turquoise clair vient apporter des nuances d’une subtilité incroyable. Si vous n’avez jamais essayé ce pigment, notamment pour les portraits, je ne peux que vous le recommander. 

Comment créez-vous votre palette de couleurs ?

Dans le cadre de mes enseignements en ligne et pour agrémenter les ressources de mon site d’un véritable outil de couleur pour les peintres, j’ai créé mon propre système de couleur. Il s’agit d’un système complet associant les teintes, les valeurs et le chroma (ou la saturation). Pour que ce système ne soit pas qu’un simple ensemble abstrait de roues de couleurs, j’ai inclus les principaux pigments autour de la roue des couleurs. Ainsi, lorsque l’on se réfère à la roue, on peut voir aisément quel pigment s’approche de telle ou telle nuance. C’est un système très pratique auquel je me réfère souvent lorsque je dois créer une couleur inhabituelle et que je ne sais pas quel pigment choisir. C’est aussi à partir de ce système de roue des couleurs que j’ai élaboré ma palette standard : pour moi, le plus important est que l’ensemble des couleurs soit bien équilibré et qu’il n’y ait pas de “trou”, notamment au niveau du cyan et du magenta. Je choisis aussi mes couleurs en fonction de leur opacité ou transparence ou de leur temps de séchage selon les besoins.

Parlez-nous de votre univers artistique et de vos influences.

Mes principales influences artistiques se trouvent dans le Baroque, plus particulièrement dans le Ténébrisme et le Caravagisme. Pour ce qui est de la peinture traditionnelle, je puise aussi beaucoup d’inspiration dans le Symbolisme et le Pré-Raphaelisme du dix-neuvième siècle.Cependant, je suis né à l’ère de l’explosion technologique et, forcément, je tire également beaucoup d’inspiration des univers visuels qui m’entourent : qu’il s’agisse des photos du ciel profond du télescope Hubble, des images digitales ou des effets spéciaux que l’on voit dans les films ou dans les jeux vidéos, je suis attiré par l’exploration moderne des couleurs et des formes. J’essaie de me situer à la frontière entre tradition et modernité : Par une approche picturale classique et des techniques intemporelles, je propose des sujets dont la portée s’étend au-delà de notre contemporanéité. Mes thématiques sont issues de la philosophie existentialiste : mes compositions, visuellement réalistes, invitent à une réflexion sur les fondements mêmes de la réalité humaine. Par l’intrusion de l’imaginaire dans le réel, j’essaie de sonder le mystère de notre existence. 

Quel est le meilleur aspect du métier d'artiste aujourd'hui ? Et le plus difficile? 

Le meilleur aspect du métier d’artiste est le même aujourd’hui qu’il a toujours été : l’Art. C’est en soi une satisfaction que de produire de l’art tous les jours. C’est l’humble tentative de laisser ce monde un peu moins laid qu’on ne l’a trouvé, c’est un gage d’accomplissement personnel, non pas de bonheur, c’est un trop grand mot, mais de réalisation de son potentiel. C’est une sensation d’épanouissement qui, heureusement, permet de surmonter les nombreuses difficultés de ce que le métier d'artiste représente. Le monde de l’art est toujours un milieu difficile à percer pour des artistes émergents ; c’est, encore et toujours, le dilemme du club privé qui n’accepte que les habitués. Pour autant, les artistes du vingt-et-unième siècle ont la chance formidable d’avoir internet pour se faire connaître. Pour qui utilise les plateformes judicieusement, les opportunités sont nombreuses, même pour des jeunes artistes sans réseaux. 

Avez-vous un conseil à partager aux artistes débutants ? 

Mon conseil pour ceux qui veulent se lancer est celui-ci : faites en sorte que vous puissiez créer votre art indépendamment des circonstances.Cela signifie que le plus important doit toujours être de créer son art, de manière honnête et véritable, même si rien ne se vend, même si le succès n’est pas au rendez-vous. Ce qui compte, par-dessus tout, c’est de créer. Si cela signifie qu’il faut garder un emploi alimentaire les dix premières années et peindre sur son temps libre, qu’il en soit ainsi ! Si cela signifie qu’il faut accepter de donner des cours de dessin pour payer son matériel, qu’il en soit ainsi ! Si cela signifie qu’il faut attendre un reconnaissance qui ne vient pas, soit ! Il faut avoir assez d’indépendance pour subsister par ses propres moyens et comprendre qu’il faudra user de patience et ne jamais rien lâcher. Le plus important, c’est d’avoir un plan. Une fois ce plan en tête, il n’y a plus qu’à y croire, croire en son art et le succès viendra en temps voulu. 

Pouvez-vous nous parler de vos actualités, vos projets futurs?

La pandémie de Covid-19 a profondément marqué mes peintures les plus récentes. Dans la complexité infinie d’un monde indifférent à son sort, l’existence humaine est tiraillée, malmenée, soumise à rude épreuve. Beaucoup de problèmes rencontrés durant ce douloureux moment font écho à des thématiques que j’aborde fréquemment dans mes peintures. J’essaie d’utiliser l’art pour sublimer les épreuves les plus difficiles, donner du sens à ce qui en semble dénué. Paradoxalement, cette période a été très productive pour moi et j’essaie de me concentrer sur la création de tableaux et sur le contenu en ligne avec, pourquoi pas, des événements en ligne comme des expositions virtuelles ou des streams en direct de mon atelier. En parallèle à la création de mes tableaux, j’ai de nombreux projets relatifs à l’enseignement en ligne : j’ai un nouveau cours de dessin en préparation dont le concept est de permettre d’apprendre en autodidacte, de chez soi, à son rythme. Enfin, sur YouTube, si j’ai assez de temps cette année, je souhaiterais pouvoir ouvrir une seconde chaîne, entièrement francophone, pour partager mes secrets d’atelier et parler de peinture et de dessin de manière générale.

Retrouvez Florent Farges sur :

Instagram : https://www.instagram.com/florentfarges.arts/ 
YouTube : https://www.youtube.com/c/FlorentFargesarts 
Site Internet : https://www.florentfarges.com/ ;