Chapitre 5 : Le fameux rouge hélios

Pour Cézanne, l’analyse de la palette du peintre révèle l’utilisation régulière de plusieurs rouges, notamment le vermillon véritable qui rend si bien le velouté de la peau des pêches ! Mais voilà ! Les vermillons véritables, encore sur la palette des impressionnistes, sont menacés et risquent d’être supprimés pour leur manque de stabilité. Les peintres ne trouvent-ils pas ce nouveau rouge de cadmium récemment breveté par un fabricant allemand (1892) en remplacement du vermillon? Dès le lendemain de la grande exposition impressionniste de 1886 à Paris qui précède le voyage new-yorkais, Cézanne quitte la capitale pour aller s’exiler dans son atelier d’Aix où il continuera, seul, dans la lumière crue du Midi, ses recherches sur le rendu pictural de ses émotions visuelles. L’approvisionnement en couleurs se fera désormais par la poste. Vingt ans plus tard, Gustave Sennelier crée un rouge de toluidine, qu’il baptisera « rouge Hélios », de la famille des rouges organiques, d’un rouge vif très intense et très lumineux. Pouvoir colorant élevé. Un des tons utilisés par l’école post-impressionniste.

Gustave Sennelier se constitue rapidement une clientèle hors du commun. Sisley rend visite à « son » marchand de couleurs ; Van Gogh demande à son frère Théo de passer chez Sennelier lui acheter des couleurs ; Gauguin se procure dans la boutique des cartons pochade enduits, comme en témoignent certains de ses tableaux qui portent la marque du marchand parisien. Un choix qui va contribuer à la réputation du marchand de couleurs. En effet, de la bonne préparation des supports dépend la conservation de l’œuvre. S’il absorbe trop l’huile, c’est-à-dire le liant, la peinture a tendance à craqueler. Fantin-Latour, Maurice Denis, Vuillard, Gustave Moreau, Henri Laurens, Odilon Redon, tous apprécient les couleurs du quai Voltaire et louent la consistance, la texture, la qualité des produits de Gustave Sennelier.

D'après le livre de P.Richard